Contribution de l’APIEEE à l’Enquête publique sur les réserves de substitution du bassin de la Boutonne
Ce projet de stockage de l’eau répond à 2 préoccupations qui sont la pénurie d’eau et les difficultés du monde agricole. Il ne répond pas à notre avis à la question :« comment produire demain pour assurer un rendement suffisant, un revenu correct pour les agriculteur et le respect du milieu ? ». En réalité, le projet ne répond qu’à la question : « comment faire perdurer un système agricole à bout de souffle, préjudiciable à la santé et à l’environnement ? ».
En effet, le contrat de territoire met la quasi totalité de son budget pour les réserves et seulement quelques % pour les solutions alternatives : favoriser l’agriculture agro écologique, utiliser des espèces et des variétés tolérantes à la sécheresse, recharger les sols en humus pour qu’ils puissent jouer leur rôle de réservoir naturel, restaurer les milieux humides et leur rôle régulateur de l’eau, planter des haies pour la recharge des nappes etc.
Par ailleurs, ce projet de réserves de substitution ne répond pas aux critères du développement durable :
1) Il ne respecte pas le principe d’équité sociale :
-il favorise les irrigants au détriment des non irrigants Au lieu d’avoir un système permettant à une minorité d’irriguer en permanence, on pourrait imaginer que tous puissent avoir accès à l’eau à des moments critiques pour la végétation.
-il favorise une minorité d’agriculteurs au détriment des citoyens en utilisant de l’argent public sans contrepartie pour la société (pas de vraie éco conditionnalité, pas d’engagements sur une meilleure qualité de l’eau ou de la production agricole)
2) Il n’est pas crédible du point de vue économique :
-comment penser en effet qu’endetter encore plus les agriculteurs leur permettra de mieux s’en sortir ?
-il est de plus, probable que les réserves seront remplies moins souvent que prévu (le changement climatique n’ayant pas été intégré dans les calculs)
3) Sur le plan écologique, les réserves auront un impact négatif :
– sur la qualité de l’eau : irriguer plus signifie plus de produits phytosanitaires. Ceux-ci vont se retrouver dans l’eau et dans la chaine alimentaire
– sur la reproduction des poissons en hiver. Ceux-ci ont besoin d’un débit important, or le remplissage des réserves pourra débuter en dessous du débit moyen des cours d’eau.
– sur l’habitat des espèces protégées d’oiseaux de plaines (outardes canepetières, oedicnèmes criards) par l’emprise au sol des réserves, mais également par le changement d’assolement induit par l’eau sécurisée.
Ces trois critères non respectés (sociaux, économiques, écologiques) sont suffisants pour jeter le discrédit sur ce projet. Il y a malheureusement encore d’autres points problématiques :
– Ces réserves n’ont de substitution que le nom. Cela cache en réalité un projet de développement de l’irrigation : on prélève actuellement dans le milieu 6 millions de m3 plus 0,6 Mm3 stockés dans des réserves déjà existantes. Demain, 6,6Mm3 seront stockés dans les réserves mais on continuera à prélever 3,8 Mm3 dans le milieu en été. Soit une augmentation de près de 60% des capacités d’irrigation.
– le coût du projet fait qu’il engage les agriculteurs et la société pour 20 ans, à un moment où il y a consensus sur le fait que agriculture et consommation doivent entamer une mutation pour être durables. Cela devrait au contraire rendre incontournable d’engager une réflexion approfondie sur l’avenir de notre région : comment prioriser les besoins des différentes parties prenantes en adéquation avec les ressources disponibles ? Avec quels moyens ? Au lieu de quoi, on prend le problème à l’envers en partant du principe que le stockage sera LA solution.
Enfin, plusieurs interrogations demeurent :
-Sur quels critères sont choisis les agriculteurs qui auront accès à l’eau ?
-En cas d’arrêté préfectoral d’interdiction de prélèvement de l’eau en été, selon quelles modalités les irrigants non raccordés aux réserves seront-ils indemnisés par rapport à leurs collègues qui continueront à pomper dans les réserves ?
-Comment le débitmètre de Moulin de Chatre et le piézomètre d’Ensigné pourront-ils donner des indications sur les impacts de prélèvements effectués en aval ?
-Pourquoi l’indicateur de St jean d’Angély prévu dans le SAGE n’est-il pas installé ?
-Pourquoi n’y a-t-il que 5 échelles utilisées sur les affluents alors que 7 affluents sont concernés ?
Pour toutes ces raisons, l’APIEEE se positionne CONTRE ce projet de réserves de substitution sur la Boutonne,
Fait à Chizé le 15 mars 2018