LES NAPPES OU AQUIFÈRES
Un peu d’histoire géologique
L’histoire géologique de notre région est liée à la formation des deux grands massifs hercyniens formés durant l’ère Primaire, le Massif Armoricain et le Massif Central, puis à la formation de deux grands bassins sédimentaires, le Bassin Parisien et le Bassin Aquitain, séparés à l’ère Secondaire par un haut fond, aujourd’hui appelé ” Seuil du Poitou “.
Entre les deux massifs anciens existe donc une zone surélevée passant par Parthenay, Vivonne, Champagné Saint Hilaire et l’Isle Jourdain, ancien haut-fond orienté Nord-Ouest/Sud-Est. Le socle Primaire est constitué de granites et de schistes datés de plus de 300 millions d’années. Ce socle affleure dans la région de Parthenay et du bocage des Deux-Sèvres.
Au Trias (de -230 à -200 M.A.), le Poitou-Charentes était émergé ; aucune trace de sédiments marins de cette époque n’a été signalée dans la région.
Au Jurassique (-200 à -140 M.A.), la quasi totalité de la région était envahie par la mer, le seuil du Poitou est alors un haut-fond entre bassin Parisien et Bassin Aquitain, dans lesquels une intense sédimentation marine calcaire a formé des bancs calcaires à faciès variés (épais, fins, grossiers, tendres…). Les calcaires jurassiques caractérisent bien les terroirs de la plaine d’Aunis, de la plaine de Niort
Au Crétacé (-140 à -65 M.A.), après une période d’émersion, pendant laquelle la région subit une altération importante des calcaires jurassiques, une mer peu profonde se réinstalle et dépose des argiles, des sables et des craies au nord et au sud de la région. Sur les terres émergées, l’altération des calcaires jurassiques se poursuit, formant les argiles de décalcification qui deviendront les argiles à silex et les argiles rouges à châtaigniers.
Selon le bassin auquel elles appartiennent (Parisien ou Aquitain), les couches de sédiments ont des épaisseurs différentes, de l’ordre de 400 m en Poitou et 2 000 m en Charente (voir coupe géologique). Ces terrains poreux contenant de l’eau sont qualifiés d’aquifère, et ont aujourd’hui une importance toute particulière sur le plan de la ressource en eau.
Carte géologique de Poitou-Charentes
http://www.eau-poitou-charentes.org/Nappes.html
Dans cette coupe schématique, les sédiments calcaires du Jurassique constituant les réservoirs d’eau profonds sont nommés Lias (en rose) pour le Jurassique inférieur, Dogger (en orange) pour le Jurassique moyen et Kimméridgien (en bleu) pour le Jurassique supérieur. Les couches du Toarcien (en violet) et de l’Oxfordien (en marron) sont des couches imperméables.
L’ensemble de ces sédiments marins ont ensuite été partiellement recouverts par des dépôts continentaux Tertiaires et Quaternaires :
A l’Eocène (de -65 à -35 M.A.), le climat de type tropical altère les roches en profondeur et forme des sédiments continentaux (argiles ou sables) rougis par le fer. Les produits d’érosion des reliefs s’épandent dans les plaines, sous la forme d’argiles et de sables à graviers de quartz. Dans les Deux-Sèvres, les ” terres rouges ” sont observées dans la région de Melle.
A l’Oligocène (de -35 à -25 M.A.), dans les grands lacs d’eau douce, se déposent des vases (calcaires ou non), qui forment les marnes lacustres et les argiles à pierres de meulières. Ces terres marneuses sont observées dans la vallée de la Guirande et de Prahec à Périgné, ainsi qu’à Chef Boutonne.
Aux Miocène et Pliocène (-25 à -1,8 M.A.), l’érosion se poursuit ; les substrats géologiques issus de cette période sont des limons et des sables fins dits ” éoliens ” et des argiles à galets de quartz. Les zones géographiques concernées sont souvent situées au centre des plateaux, et portent des massifs boisés importants : en Deux-Sèvres à Thénezay.
Durant le Pleistocène (-1,8 à -10000 ans) et l’Holocène (de 10 000 ans à nos jours), l’alternance gel/dégel broie certaines roches à l’affleurement et forme des coulées glaciaires observables sur certains flancs de vallées.
Les grands types de sol
http://www.eau-poitou-charentes.org/Nappes.html
DÉFINITION DES DIFFÉRENTS TYPES DE NAPPES
1. Les nappes libres des formations sédimentaires
Elles sont constituées de roches poreuses (sable, craie, calcaire) jadis déposées en vastes couches. Elles peuvent contenir de 50 à 100 l d’eau par m3 . Les forages peuvent délivrer à peu près de 50 à 200 m3 d’eau à l’heure.
Ces nappes sont dites libres parce que la surface supérieure de l’eau fluctue sans contrainte. Il n’y a pas de “couvercle” imperméable au toit du réservoir et la pluie efficace peut les alimenter par toute la surface. On appel la nappe la plus proche du sol, alimentée par l’infiltration de la pluie, la nappe phréatique (du grec “phréïn”, la pluie).
2. Les nappes captives
Elles sont constituées à peu près des mêmes types de roche, mais sont recouvertes par une autre couche géologique imperméable qui confine l’eau. Celle-ci est alors sous pression et peut jaillir dans des forages dits artésiens. Les forages peuvent délivrer 50 à 200 m3/h .L’alimentation ne peut se faire que par des zones d’affleurement limitées ou des communications souterraines. Dans les déserts, ces nappes sont fossiles. Elles ne reçoivent plus d’alimentation et sont alors des mines d’eau épuisables non renouvelées.
Les nappes captives sont souvent profondes, voire très profondes (1000 m et plus). On peut alors les exploiter pour la géothermie.
3. Les nappes alluviales
Elles constituent un type particulier de nappes, formées par les grands épandages de sables et graviers des fleuves et des rivières.
Ces nappes fournissent 60% des eaux souterraines captées en France, en particulier grâce à leur facilité d’accès et leur bon débit (50 à 300 m3/h). Elles sont le lieu privilégié des échanges entre les cours d’eau et les autres grandes nappes des coteaux (nappes libres). C’est à travers ces nappes alluviales que les grands flux issus des nappes libres rejoignent les rivières.
Parfois, ce sont les rivières qui cèdent de l’eau aux nappes alluviales. Ce phénomène est rare et localisé en France mais habituel dans les oueds des pays arides.
Les grands types d’aquifères du département
De par l’histoire géologique de la région, il y a trois grands réservoirs potentiels d’eau souterraine :
1. Parmi les niveaux les plus anciens du jurassique = LIAS
Ces niveaux du secondaire reposent directement sur le substrat primaire imperméable (granite). Les couches calcaires contenant l’eau (Hettangien, Sinémurien..) sont surmontées d’une couche de marnes imperméables appelée Toarcien. Cet aquifère est ainsi nommé l’infra-Toarsien. Il y a cependant des communications avec le DOGGER qui le surmonte.
Il est à priori le plus profond et donc captif, mais par le jeu de failles et d’inclinaisons par la tectonique, les couches de LIAS apparaissent superficiellement et libres au niveau de la Sèvre niortaise et du Lambon, entre Niort, St Maixent, François, St Gelais Prahec (voir carte).
2. Les niveaux calcaires du jurassique moyen = DOGGER
Les couches calcaires réservoirs sont datées du Bajocien et Bathonien et sont surmontées par une large couche imperméable (Callovien).
Le DOGGER est un aquifère profond et captif (ex la zone ” infra ” de la Boutonne) mais il apparait superficiel et/ou libre par les mêmes phénomènes sur tout le territoire du Mellois en particulier, ainsi qu’entre la Dive du nord et le Thouet.
Il constitue la principale ressource en eau souterraine de la région. Sa productivité est très variable et dépend de l’importance de sa fracturation.
Le caractéristique karstique (fracturé) de cet aquifère implique une grande vulnérabilité vis-à-vis des pollutions superficielles. Cette nappe est classée comme NIE (nappe intensément exploitée).
3. Certains niveaux calcaires de jurassique supérieur = MALM
La nappe du MALM est contenue dans la tranche la plus superficielle (une trentaine de mètres) des formations du jurassique supérieur, le Kimméridgien. Plus profond la roche demeure très peu perméable, c’est le ” banc bleu ” de l’oxfordien.
L’extension géographique est très importante, du Mignon et de la Courance, à la Boutonne jusqu’à l’Aume, et surtout tout l’Aunis Charentais.
Cette nappe du Malm, nappe de l’Aunis, est libre excepté dans les fonds des vallées où elle peut être localement captive par des dépôts quaternaires peu perméables.
La recharge de la nappe s’effectue par les précipitations sur les surfaces d’affleurement. Plus de 75% de l’eau est drainée par les cours d’eau qui constituent les axes de drainage des bassins superficiels et aussi souterrains.
L’absence de couverture argileuse rend cet aquifère très sensible aux pollutions superficielles. Il est classé en NIE.
SYSTÈME AQUIFÈRES EN DEUX-SÈVRES
Comme le montre cette carte, l’aquifère le plus superficiel et directement accessible n’est pas toujours la couche la plus récente du jurassique (Malm). Une large bande du Dogger affleure au nord de la Guirande et de la Boutonne. Le bassin du Lambon et de la Sèvre moyenne voit affleurer le Lias.
Cette topographie s’explique par l’inclinaison des couches vers le seuil du Poitou, puis le développement d’un ensemble de fractures de direction nord-ouest à sud-est avec surélévation du bloc nord, puis érosion des couches du jurassique supérieur au quaternaire laissant apparaitre les affleurements du Dogger puis du Lias au nord de ces failles.
SUIVI PIÉZOMÉTRIQUE DES AQUIFÈRES
Un réseau de piézomètres automatiques permet de connaitre le niveau de l’eau, c’est-à-dire la profondeur relative de l’eau dans la roche réservoir par des forages en différents points du département.
Schéma topographique d’une coupe sud-nord montrant l’empilement des couches aquifères et leur affleurement par le fait des mouvements tectoniques et de l’érosion.
Les piézomètres du Malm (Kimmeridgien supérieur, code aquifère 112a1) du département sont ceux situés à
Ensigné (le trou de l’ormeau)
Le Bourdet* (la jannerie)
Payzay-le-Chapt (l’Houmelet)
Prissé la Charrière* (ancien captage AEP)
St Hilaire la palud* (captage Mazin)
Usseau (ancien captage de Madrid)
Les piézomètres du Dogger (Bathonien, Bajocien) du département sont situés à :
aquifère Civraisien/Dogger, code 109a2
Lorrigné (ancien captage)
VChef-Boutonne (les Outres1)
St Coutan (ancien captage)
Sauzé-Vaussais* (les jarriges)
Limalonges (Limalong)
Pamproux (la roche ruffin)
Carte détaillée sur http://sigespoc.brgm.fr/CarteAquif/109a2.gif
aquifère est de Niort, code 110d1 :
Coulon
VAquifère du seuil du poitou, bassin de la Boutonne, code 573a1
VAiffres (Aiffres2 à La Savarie)
Aquifère du thouarsais-nord poitou, code 053a1
VAssais-les-jumeaux (la Tâche)
Ferrière en Parthenay (ancien captage AEP)
Thenezay (la Moinie)
Oiron (Leugny)
Carte détaillée sur http://sigespoc.brgm.fr/CarteAquif/053a1.gif
Les piézomètres du Lias : aquifère Vendée sud/Domérien, code 574d1
Aiffres (Aiffres2 à la Savarie)
Niort (la grange verrine)
St Gelais (la chailloterie)
http://sigespoc.brgm.fr/CarteAquif/574d1.gif
L’EXPLOITATION DES NAPPES
L’augmentation des prélèvements d’eau provoque localement des situations de surexploitation, qui débouchent sur des conflits d’usage et une dégradation progressive de la ressource en eau. Ce constat se traduit au niveau des Schémas Directeurs d’Aménagement et de Gestion des Eaux (SDAGE), de manière différente sur les bassins Loire-Bretagne et Adour-Garonne.
Ainsi en Loire-Bretagne, certaines nappes ont été classées en Nappes Intensément Exploitées (N.I.E.) ; dans ces zones, les aides et redevances de l’agence de l’eau sont majorées afin de progresser vers une utilisation de la ressource plus équilibrée.
Les Nappes du Lias, du Dogger et du Jurassique supérieur ont été classées en N.I.E. :
la Nappe Intensément Exploitée du Clain s’étend sur le bassin versant du Clain.
la Nappe Intensément Exploitée de l’Aunis s’étend sur le bassin versant sud de la Sèvre Niortaise.
la Nappe Intensément Exploitée de la Vendée s’étend sur le bassin versant nord de la Sèvre Niortaise.
Le SDAGE Loire-Bretagne a aussi fait apparaître des nappes naturellement protégées (N.A.E.P.), délivrant une eau d’une excellente qualité.
Il s’agit du Cénomanien captif (sous Séno-turonien), du Jurassique supérieur captif, du Dogger captif (sous Jurassique supérieur) et du Lias captif (sous Dogger). Le SDAGE signale que ces réservoirs peuvent être considérés comme stratégiques, mais la pression des prélèvements est déjà forte sur certains de ceux-ci, alors que leur réalimentation est très lente.
Le SDAGE Adour-Garonne propose quant à lui la fixation de cotes piézométriques minimales, données indicatives pour les gestionnaires de l’eau :
la Piézométrie d’Objectif d’Etiage (P.O.E.) est la cote de la nappe au-dessus de laquelle sont assurés la coexistence normale des usages et le bon fonctionnement quantitatif et qualitatif de la ressource souterraine et des cours d’eau qu’elle alimente. La P.O.E. doit en conséquence être maintenue par une gestion à long terme des autorisations et des programmes relatifs aux prélèvements et aux autres usages.
la Piézométrie de crise (P.C.R.) est la cote du niveau de la nappe, au-dessous de laquelle sont mises en péril la pérennité notamment qualitative de la ressource souterraine, l’alimentation en eau potable qu’on y puise, la survie des milieux aquatiques qu’elle alimente. Elle doit en conséquence être impérativement maintenue par toutes mesures préalables, notamment de restriction des usages, décidées par les préfets en application le cas échéant d’un plan de crise.
Réseau Partenarial des Données sur l’Eau en Poitou-Charentes
http://www.eau-poitou-charentes.org/usages/Aquiferes.html
RESSOURCES
Carte géologique SIR Poitou-Charentes
Système d’Information Régional – Accès thématique Milieux physiques : les sols
Les grands types de sols – SIR
Site du réseau piézométrique régional
http://www.observatoire-environnement.org/OBSERVATOIRE/piezometre/
Site de l’ORE : Observatoire Régional de l’Environnement – Géographie Physique
http://www.observatoire-environnement.org/tbe/Geographie-Physique.htm
Site du BRGM : Bureau de Recherches Géologiques et Minières
http://www2.brgm.fr/divers/nappes.htm
IBSN – Etude Hydrogéologique de l’Aunis (NIE) 2004
Site du SIGES système d’information pour la gestion des eaux souterraines en poitou-charentes – Carte des systèmes aquifères de Poitou-Charentes.
http://sigespoc.brgm.fr/LocAquif.asp?outil=1